« À
combien de voitures tu crois qu'on est de la cabine du conducteur? »
demanda la blonde alors que les deux filles franchissaient les portes
entre les wagons du train qui s'était mis en route. Sur la petite
plateforme entre les deux voitures, le vent du tunnel vrombissait
dans un vacarme d'enfer et c'est avec certitude que Gloria hurla : «
J'en ai aucune idée! ». Cette fois la vitre était claire on
pouvait voir à travers, les deux filles avaient le nez collé dessus
et observaient comme à l'aquarium municipal des zombies qui
déambulaient au milieu des cadavres. « Gloups! » fit
Gloria.
Sa voisine lui dit « Moi c'est Lisa, et que tu me crois
ou non j'ai fait un camp de survie de lutte contre les zombies, et là
faut qu'on traverse ». « Moi c'est Gloria, répondit-elle
d'une voix fluette », « Quoi ? Hurla Lisa »,
« Gloria, hurla en retour Gloria », « Voilà c'est
vachement mieux comme ça! ». Lisa avait un accent québécois
à couper au couteau. « T'es touriste? Affirma Gloria... Tu
devrais mettre ton sac-à-dos sur le ventre, ça ferait bouclier !
», « Ouais mais sur le dos ça leur permet aussi de pas
m'chopper par derrière ! Tu vois là les grosses valises
abandonnées par les touristes morts? » « Oui! »
« Bin on va entrer le plus silencieusement possible et on va
les attraper pour en faire des boucliers. Bon moi des zombies j'en
compte 4, mais ceux-là par terre, ils peuvent se transformer alors
au fur et à mesure on leur écrabouille la tête, Ok ? On fait comme
les cops dans les films, on avance dos à dos et on couvre toute la
surface, on a pas de temps à perdre... y a beaucoup de monde au
prochain arrêt? » « À St-michel ? Grave ! », « Ok
t'es prête? ». La double porte s'ouvre lentement dans son
souffle pneumatique asthmatique, Gloria et Lisa restent immobile mais
prêtes à bondir attendant une réaction des morts-vivants. Les
quatre zombies continuent à déambuler comme des poissons dans leur
bocal, ou des personnages de jeu vidéo coincés face à un mur.
Gloria et Lisa se mettent en marche. Le sol est jonché de cadavres,
et en même temps qu'elles avancent vers les grosses valises à
roulettes corsetées dans quinze tonnes de cellophane, elles
regardent l'état des morts.
Certains ont la tête explosée ou
dévorée, mais lorsque ce n'est pas le cas, Lisa qui a emprunté à
Gloria son marteau fait de la bouillie de ce qui leur reste de
visage, et Gloria enfonce le talon de ses escarpins dans leur crâne.
Les deux grosses valises bloquent le passage. Gloria ne peut pas
s'empêcher de penser à quel point elles ont dû faire chier les
autres voyageurs. Lisa se faufile pour se cacher derrière la
première et la pousse vers l'avant, Gloria juste derrière elle
tient l'appareil photo par le zoom, elle l'a bien en main, il ne va
pas falloir faiblir. En s'approchant du premier zombie qui se met à
grogner et à accélérer vers elle Lisa qui tient d'une main la
casserole et de l'autre le marteau, se lève d'un coup, lâche la
valise ouvre les bras et se sert des deux instruments comme d'un
marteau et d'une enclume. La tête du zombie fait un bruit de steak
haché sous plastique qu'on écrabouille du pied, et comme Lisa remet
ça il y a comme un bruit de gong qui sort les autres morts-vivants
de leur léthargie déambulatoire... Il n'y a pas une seconde à
perdre le train va entrer en gare de St-Michel, Gloria avec une
énergie et une passion qu'elle ne se connaissait pas abandonne la
grosse valise pour défoncer la tête du premier zombie qui vient
vers elle d'un coup d'appareil photo qui le fait tomber à terre.
Puis elle lui marche sur le crâne pour s'attaquer au prochain
pendant que Lisa fait résonner son gong pour tuer la femme obèse
qui se précipitait pour lui dévorer le cerveau. Splash, gong, c'est
sa mélodie, tandis que celle de Gloria est paf, scriiitch...SHEBAM
! POW ! BLOP ! WIZZ !
Le
train va entrer à St-Michel, il ralentit. Julie chuchote « il
n'y a pas moyen qu'on tienne à deux toutes les portes, alors
planquons nous. » Elles reprennent place derrière les valises.
Gloria jette un oeil dehors comme il est 8h45, c'est l'heure qu'elle
voit affichée sur le quai, elle pourrait encore se rendre à son
entretien. C'est étrange de se dire qu'après avoir tué des zombies
on pourrait reprendre la vie de tous les jours. Bien sûr elle n'est
plus du tout présentable son chignon n'a pas supporté sa rage, sa
chemise blanche, comme son jean sont maculés de sang, de sueur et
d'amas gélatineux rouge, ses escarpins autrefois beiges sont
maintenant sanglants... Il n'y a pas de doute dans cette tenue de
tueuse personne n'hésiterait à l'engager. Cette pensée la fait
sourire.
Il
est 8h45 à St-Michel Notre Dame, et le quai n'est pas trop peuplé.
Avec un peu de chance personne n'entrera dans leur wagon. Cachées
les filles entendent une des portes qui souffre. Il n'y a pas de
grognements dehors. Tout semble presque normal. Une voix tonitruante
déclare: « What happened here? It stinks, no wonder there is
no one in this car ! Let's get to the next one ! ». Pour Gloria et
Lisa il se passe la même chose que quand dans un métro bondé on
s'aperçoit qu'il y a trois places libres, mais en s 'approchant on
découvre que la troisième est occupée par un SDF qui sent très
mauvais, et que les gens préfèrent s'agglutiner en se bouchant le
nez plutôt que de s'asseoir. Lisa se rapproche de Gloria et dit « on
dirait qu'il n'y a pas de zombies, on devrait peut-être sauver nos
peaux et sortir de là pendant qu'il en est encore temps. Et je
te paie une bière ! » Sans hésiter Gloria se lève pour sortir.
Mais le signal du départ sonne, et ni elle ni Lisa n'ont
le temps d'atteindre les portes. Quand le train démarre elles sont
toutes les deux debout, dépitées, ensanglantées et regardent les
gens qui ont couru sur le quai pour monter dans ce RER et ont raté
le train de l'enfer. « Tabernacle ! dit Lisa, on aurait pu
boire une bière », à cela Gloria répond: « on
avance? »
à suivre...
Et merci à Marie-Minute d'être ma secrétaire de rédaction :-)
Liste des épisodes parus : un, deux, trois, quatre, cinq, six Sept, Huit, Neuf et Dix
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