samedi 23 mars 2013

Brèves de RER (2)




«Espèce de princesse au petit pois »*
Je prends le RER à Luxembourg, il n'y a de la place que sur les strapontins, c'est samedi donc le train est plein de touristes avec des grosses valises, de familles qui sortent, et de touristes tout court. Je lis mon bouquin tranquille, quand à Denfert-Rochereau une femme s'assoie sans regarder où elle met ses fesses et en gros elle est à moitié sur mes genoux! Je réagis « Faites attention vous vous asseyez sur moi! » elle se décale de façon à n'être assise que sur la moitié de son strapontin et me fait avec mépris: « ça vous va comme ça? », moi gentiment « mais vous avez le droit d'occuper tout votre siège... » de toutes façons elle ne m'écoute pas je l'ai vexée et elle s'est levée, je veux protester et elle parle avec sa fille « y a en qui ne supportent pas qu'on les touche... » et je continue à m'en prendre plein la gueule, mais j'ai compris que quoi que je dise elle ne m'écoutera pas, alors je reprend ma lecture en espérant que mon arrêt arrive vite pour que je puisse sortir.

Conseillère conjugale de RER
Je m'installe dans un booth du RER B à Châtelet, et deux étudiantes se placent face à face à côté de moi. L'une, blonde qui est a côté de moi est très énervée contre son mec « ça fait trois semaines qu'il est devenu hyper chiant, je lui ai donné un ultimatum, « si tu ne redeviens pas comme avant, alors on arrête. » » Sa copine, pacificatrice, lui dit « arrête de lui donner des ultimatums, fait le ou ne le fait pas! ». La blonde tourne en boucle, son mec la laisse sans nouvelles pendant des jours, il lui reparle de ses conquêtes d'avant leur rencontre, elle brasse et rebrasse les éléments de leur désaccord, et sa copine lance parfois vers moi, un regard qui bizarrement m'inclut dans la conversation alors que j'ai envie de fuir cette conversation. Mais l'énervement de la blonde monte en moi, j'entends autre chose dans ce qu'elle dit, et il faut que je résiste pour ne pas m'incruster dans cette conversation, car depuis quelques temps je me retrouve systématiquement entourée dans le RER par des jeunes filles qui vont jusqu'au bout de la ligne, et commence à se dessiner pour moi une sorte de carte des rapports jeunes hommes/ jeunes femmes dans le fin fond de la banlieue parisienne. Il semble qu'il y ait des français, des musulmans(français ou reubeu) et des portugais. Ici j'ai cru comprendre que le mec de cette jeune femme l'avait draguée en même temps qu'une portugaise, mais qu'il l'avait préférée elle parce que sans être convertie elle était une fille sérieuse.
L'autre jour c'était deux adolescentes hyper maquillées mais qui ne devaient pas avoir plus de 16 ans, et l'une confiait à l'autre « sa mère me parle tout le temps en portugais, je crois qu'elle veut que j'apprenne la langue, c'est marrant. » Ce qui m'intéresse là dedans, c'est que chez ces jeunes filles qui parlent fort, qui se maquillent trop, qui ont l'accent rocailleux des banlieues, il y a une ouverture à la diversité, un monde clos sur lui-même où les gens se connaissent, se mélangent et apprennent à se découvrir.
Revenons à l'étudiante, je me taisais donc, j'essayais de lire mon livre, mais étant ardu je ne pouvais pas me concentrer et je n'arrivais même pas à peser les conséquences que pourrait avoir mon intervention, parce que pour moi, extérieure à la scène, la situation était claire: le jeune-homme disparaissait, devenait odieux, parlait des conquêtes qu'il aurait pu faire... il voulait rompre, et il avait probablement une autre fille sous le coude.
J'ai fini par parler, et bizarrement si je m'en suis voulue d'avoir ouvert la bouche, j'ai désenclenché l'énervement, j'ai dit, parce que moi à sa place j'aurais voulu qu'on me le dise : « il vous trompe, il vous fait perdre votre temps. »
Je ne suis pas du tout fière de moi d'avoir parlé, mais je n'ai pas pu me retenir, et ce que j'ai ressenti de l'effet de mes paroles, c'est que j'ai sorti cette jeune-femme de son cercle vicieux de questionnement et elle et sa copine se sont calmées immédiatement. Mais j'ai super honte.
Je suis descendue à mon arrêt, et je pensais que comme tous les gens du RER, je ne les reverrais plus jamais, mais l'autre jour elles sont montées et se sont assises dans le booth devant moi, elles ne m'ont pas vues, je me suis faite transparente...
*in Malina, de Ingeborg Bachmann

7 commentaires:

  1. Comme toujours, j'ai beaucoup aimé ton article + la première illustration (je mégalike). Un petit bémol néanmoins : un monde "clos".
    Sur ce, bonne soirée !

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  2. Ouch oui, c'est corrigé! tu veux être mon SR?

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  3. oui oui, je suis une "puriste", mais toi aussi, non ? C'est super d'avoir corrigé et surtout de rarement laisser passer des fautes...
    Dans l'attente de tes prochains articles !

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  4. quel Exotisme... Un grand faible pour "Conseillère conjugale de RER".
    Continue à écrire...

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  5. Tu as eu peut-être honte mais tu l'a surement sortie de son enfer et ces seuls mots lui étaient nécessaire ... Il faut être cru pour se faire comprendre et que dire de plus à part la vérité ... Tu as eu raison et cet article trouvé au grand hasard me donne inspiration pour illustrations, j'aime ta façon d'écrire.

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