«Espèce de
princesse au petit pois »*
Je prends le RER à
Luxembourg, il n'y a de la place que sur les strapontins, c'est
samedi donc le train est plein de touristes avec des grosses valises,
de familles qui sortent, et de touristes tout court. Je lis mon
bouquin tranquille, quand à Denfert-Rochereau une femme s'assoie
sans regarder où elle met ses fesses et en gros elle est à moitié
sur mes genoux! Je réagis « Faites attention vous vous asseyez
sur moi! » elle se décale de façon à n'être assise que sur
la moitié de son strapontin et me fait avec mépris: « ça
vous va comme ça? », moi gentiment « mais vous avez le
droit d'occuper tout votre siège... » de toutes façons elle
ne m'écoute pas je l'ai vexée et elle s'est levée, je veux
protester et elle parle avec sa fille « y a en qui ne
supportent pas qu'on les touche... » et je continue à m'en
prendre plein la gueule, mais j'ai compris que quoi que je dise elle
ne m'écoutera pas, alors je reprend ma lecture en espérant que mon
arrêt arrive vite pour que je puisse sortir.
Conseillère conjugale de
RER
Je m'installe dans un
booth du RER B à Châtelet, et deux étudiantes se placent face à
face à côté de moi. L'une, blonde qui est a côté de moi est très
énervée contre son mec « ça fait trois semaines qu'il est
devenu hyper chiant, je lui ai donné un ultimatum, « si tu ne
redeviens pas comme avant, alors on arrête. » » Sa
copine, pacificatrice, lui dit « arrête de lui donner des
ultimatums, fait le ou ne le fait pas! ». La blonde tourne en
boucle, son mec la laisse sans nouvelles pendant des jours, il lui
reparle de ses conquêtes d'avant leur rencontre, elle brasse et
rebrasse les éléments de leur désaccord, et sa copine lance
parfois vers moi, un regard qui bizarrement m'inclut dans la
conversation alors que j'ai envie de fuir cette conversation. Mais
l'énervement de la blonde monte en moi, j'entends autre chose dans
ce qu'elle dit, et il faut que je résiste pour ne pas m'incruster
dans cette conversation, car depuis quelques temps je me retrouve
systématiquement entourée dans le RER par des jeunes filles qui
vont jusqu'au bout de la ligne, et commence à se dessiner pour moi
une sorte de carte des rapports jeunes hommes/ jeunes femmes dans le
fin fond de la banlieue parisienne. Il semble qu'il y ait des
français, des musulmans(français ou reubeu) et des portugais. Ici
j'ai cru comprendre que le mec de cette jeune femme l'avait draguée
en même temps qu'une portugaise, mais qu'il l'avait préférée elle
parce que sans être convertie elle était une fille sérieuse.
L'autre jour c'était
deux adolescentes hyper maquillées mais qui ne devaient pas avoir
plus de 16 ans, et l'une confiait à l'autre « sa mère me
parle tout le temps en portugais, je crois qu'elle veut que
j'apprenne la langue, c'est marrant. » Ce qui m'intéresse là
dedans, c'est que chez ces jeunes filles qui parlent fort, qui se
maquillent trop, qui ont l'accent rocailleux des banlieues, il y a
une ouverture à la diversité, un monde clos sur lui-même où les
gens se connaissent, se mélangent et apprennent à se découvrir.
Revenons à l'étudiante,
je me taisais donc, j'essayais de lire mon livre, mais étant ardu je
ne pouvais pas me concentrer et je n'arrivais même pas à peser les
conséquences que pourrait avoir mon intervention, parce que pour
moi, extérieure à la scène, la situation était claire: le
jeune-homme disparaissait, devenait odieux, parlait des conquêtes
qu'il aurait pu faire... il voulait rompre, et il avait probablement
une autre fille sous le coude.
J'ai fini par parler, et
bizarrement si je m'en suis voulue d'avoir ouvert la bouche, j'ai
désenclenché l'énervement, j'ai dit, parce que moi à sa place
j'aurais voulu qu'on me le dise : « il vous trompe, il vous
fait perdre votre temps. »
Je ne suis pas du tout
fière de moi d'avoir parlé, mais je n'ai pas pu me retenir, et ce
que j'ai ressenti de l'effet de mes paroles, c'est que j'ai sorti
cette jeune-femme de son cercle vicieux de questionnement et elle et
sa copine se sont calmées immédiatement. Mais j'ai super honte.
Je suis descendue à mon
arrêt, et je pensais que comme tous les gens du RER, je ne les
reverrais plus jamais, mais l'autre jour elles sont montées et se
sont assises dans le booth devant moi, elles ne m'ont pas vues, je me
suis faite transparente...
*in Malina, de Ingeborg Bachmann
Comme toujours, j'ai beaucoup aimé ton article + la première illustration (je mégalike). Un petit bémol néanmoins : un monde "clos".
RépondreSupprimerSur ce, bonne soirée !
Ouch oui, c'est corrigé! tu veux être mon SR?
RépondreSupprimeroui oui, je suis une "puriste", mais toi aussi, non ? C'est super d'avoir corrigé et surtout de rarement laisser passer des fautes...
RépondreSupprimerDans l'attente de tes prochains articles !
quel Exotisme... Un grand faible pour "Conseillère conjugale de RER".
RépondreSupprimerContinue à écrire...
;-)
RépondreSupprimerTu as eu peut-être honte mais tu l'a surement sortie de son enfer et ces seuls mots lui étaient nécessaire ... Il faut être cru pour se faire comprendre et que dire de plus à part la vérité ... Tu as eu raison et cet article trouvé au grand hasard me donne inspiration pour illustrations, j'aime ta façon d'écrire.
RépondreSupprimerMerci anonyme :-)
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