Coincée
au lit 4 jours à cause d'une rhino, qui dixit le médecin est le signe que
mon système immunitaire s'habitue à mon nouveau milieu
professionnel... ce que je traduis par “je suis comme un bébé en
première année de crèche, je choppe tout ce qui passe”, je commence à péter un peu les
plombs d'ennui ...
Seule
sortie, hier soir, au studio-théâtre de la comédie française Ce
que j'appelle oubli de Laurent Mauvignier. Denis
Podalydès seul en scène, assez rigide, nous a présenté ce
texte inspiré de ce fait divers de 2009 où un homme avait été
battu à mort par des vigiles de supermarché parce qu'il avait volé
une cannette de bière. Ce qui m'a plu dans le texte, c'est que
Bertrand Mauvignier s'est focalisé sur cette phrase idiote du
procureur qui disait qu'on ne tue pas un homme pour une cannette
de bière... et que toute sa colère est partie de cette ânerie
révélatrice de la bêtise de notre société, car bien sûre on ne tue pas point.
Je
suis complétement fauchée. J'ai accompagné la semaine dernière un
voyage scolaire à Londres, et j'ai été assez idiote pour sortir 50
livres, que j'ai finalement dû dépenser en conneries. J'aurais dû
tout payer par carte j'aurais moins dépensé car cette semaine ayant dû aller chez le médecin
et acheter des médicaments je n'ai plus rien du tout.
Alors
aujourd'hui après la présentation du texte hier soir, j'étais chez
Dia, cherchant à utiliser le plus intelligemment possible mes
derniers 1 euro 90. Et le texte qui hier était un peu irréel a pris
soudain toute sa réalité... tout à coup j'étais l'homme qui a
volé une cannette de bière. Hier encore un peu soumise à la
fièvre, je regardais les mains crispées de Podalydès, (je pensais
à mon professeur de théâtre Jack Waltzer et à l'exercice
de la chanson) et puis tout en écoutant mon esprit vagabondait sur
les films dans lesquels j'ai vu Podalydès. Je regardais le corps de
l'acteur se laissant regarder, seulement armé d'un texte, et je
repensais au personnage de Jeanne Balibar dans Ma vie
sexuelle avec qui il sortait,
qui s'appelle Valérie comme moi et aujourd'hui au Dia je repensais à
elle dans le bal des actrices qui faisait aussi
ses courses dans un magasin discount... Hier ce qui m'avait plu dans
le texte, c'était l'affirmation que la valeur d'un homme ne repose
pas sur sa valeur sociale, et aujourd'hui je voyais clairement,
cruellement la réalité de ce Dia, magasin pour les pauvres,
avec cette femme devant moi à la caisse qui parlait toute seule, et
qui tutoyait la caissière, et ce système de sécurité supra
high-tech, toutes ces caméras qui font bien attention à ce que les pauvres
ne volent rien... et me revenait toute l'horreur réelle du
monde, ce monde qui se nourrit de la misère et croit avoir un droit
de vie et de mort sur elle, parce qu'elle se tait et préfère
sombrer dans une sorte de folie. Cette indécence de ces 1% et
de ceux qui y aspirent et parfois sont pauvres eux-même, qui
pensent que certaines vies valent plus que d'autres... Et j'étais si
proche de l'homme qui avait volé la cannette de bière parce
qu'avec mes 1 euro 90 et encore 15 jours à tenir j'étais très
tentée de voler... quoi? Une connerie des gâteaux... parce que j'ai des
pâtes, plein, mais j'avais faim de conneries... et peut-être... parce
que je n'ai vu le matériel high-tech, qu'une fois à la caisse, et
peut-être que moi-aussi j'aurais volé et que pour ça on m'aurait battue à mort!
C'est
étrange cette réalité qui est déplacée sur une scène de théâtre
quand elle est au coin de la rue, c'est étrange que l'art soit
parfois forcé de découper les paupières closes pour que les gens
voient, et ce qui est plus étrange encore c'est que ce sont toujours
les mêmes qui voient et les mêmes qui sont aveugles... Toute cette
indécence... toute cette indécence qui ne leur fait pas mal aux yeux!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire